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Un sillon, une voix
27 avril 2020

En ces temps de confinement

« Ne pas se moquer, ne pas se lamenter, ne pas se détester, mais comprendre. »

Baruch Spinoza.

 

Dans un article précédent, j’évoquais la fin du monde. Vaste fumisterie, disais-je… Pour autant, la période que nous vivons est si trouble : Surmortalité, obsèques à huis-clos, accroissement des inégalités avec certaines populations plus exposées que d’autres, droits et libertés rognés, notamment en matière de droit du travail. Et j’en passe.

Dans cette période si particulière, je constate beaucoup de désarroi. Comme vous l’avez remarqué, nous sommes abreuvés d’informations, comme aux temps des attentats du 11 septembre 2001. « Nous sommes en guerre ». Ce sont les mots d’Emmanuel Macron, lors de son allocution télévisée du lundi 16 mars 2020, ajoutant du vocabulaire viril, agressif et guerrier à un drame vécu par de nombreuses familles.  Dans ce contexte si anxiogène, cet article a pour ambition d’apporter quelques éclairages.

 

Baruch Spinoza

Dans l’ouvrage consacré à Baruch Spinoza (1632-1677),  Frédéric Lenoir (Le miracle Spinoza, Fayard, 2017) évoque la vie et l’œuvre de ce philosophe hollandais et juif d’origine portugaise. Baruch Spinoza était philosophe et polisseur de verres de lunettes. Pour y voir plus clair, peut-être… Son prénom signifie Béni, en hébreu. On le traduit plus volontiers par Benoît, de nos jours. Pour ce qui le concerne, en matière de « bénédiction », il a surtout subi un « herem », à savoir une excommunication et un bannissement de la part de sa communauté d’origine pour ses idées subversives. De santé fragile, il est mort prématurément, à l’âge de 44 ans, comme beaucoup de monde ces temps-ci, malheureusement.

Je ne vais pas tenter de résumer la pensée si vaste de ce philosophe. Dans l’optique du présent article, je retiens surtout que  Baruch Spinoza est le philosophe de l’immanence et de la joie.

L’immanence est ce qui provient de l’intérieur de soi, par opposition à la transcendance. La transcendance est cette doctrine philosophique qui constitue une sorte de fil rouge dans l’histoire de la philosophie. Platon notamment, qui sépare nettement le monde des idées et le monde de la matière.

A l’opposé de ce concept figure donc le concept d’immanence. En outre, Baruch Spinoza est « moniste », donc non-dualiste. Dieu et le monde qu’il a créé ne font qu’un. « Tout ce qui est, est en Dieu, et rien ne peut exister ni être conçu sans Dieu. » (Ethique, I, 15) Cela va évidemment à l’encontre des trois doctrines religieuses monothéistes qui séparent elles aussi un Dieu transcendant et sa Création.

Frédéric Lenoir publie à la fin de son ouvrage un échange épistolaire qu’il a eu avec Robert Misrahi, éminent spécialiste du philosophe hollandais du XVIIème siècle. La thèse de Robert Misrahi est que, du fait de ce qui précède, Baruch Spinoza ne pouvait être qu’athée. Frédéric Lenoir le conteste au sens où considérer que Dieu ne fait qu’un avec sa Création, c’est tout de même croire en Dieu :

« Et comme je l’explique dans le chapitre sur « le Dieu de Spinoza », sa vision non dualiste et immanente de Dieu rejoint de manière étonnante, celle des grandes sagesses de l’Inde ou de la Chine. Sans les avoir connues, Spinoza donne une définition du divin qui ressemble fort à celle du brahman hindou ou du Tao chinois. Belle preuve du caractère universel de la raison humaine ! »

De fait, la pensée de Baruch Spinoza place la raison au-dessus de tout et notamment au-dessus de la croyance religieuse monothéiste, trop infantile à son sens. Mais selon moi, cette pensée d’un dieu immanent est plus ouverte que les pensées purement athées, comme celle de Karl Marx (1818-1883)  ou celle de Sigmund Freud (1856-1939).

C’est également le philosophe de la joie. Il s’agit certes de placer la raison au-dessus de tout, mais de tenir compte de ces émotions qui nous gouvernent. Frédéric Lenoir (p. 174 de son ouvrage) le rappelle en évoquant la pensée de Baruch Spinoza : « L’être humain est fondamentalement un être de désir ».

C’est tellement précurseur de l’impasse dans laquelle la raison absolue nous a conduits. La science devait nous apporter le bien-être. Pour autant, la science n’a pas empêché les guerres, la domination sans partage et les souffrances qu’elle engendre. La science n’a pas empêché non plus une pandémie meurtrière de se répandre un peu partout sur la planète en l’espace de quelques mois seulement.

La pensée philosophique de Baruch Spinoza est également ouverte sur toutes les disciplines de bien-être d’origine asiatique  (médecine traditionnelle chinoise, médecine ayurvédique, yoga, etc.) qui placent les émotions – et non la raison - au centre de notre être. L’on peut dire qu’il était extrêmement en avance sur son temps !

Baruch Spinoza n’enferme pas sa pensée non plus dans l’idéalisme d’Hegel (1770-1831) ou dans le matérialisme de Marx. En ces divers sens, Baruch Spinoza est un des principaux artisans de la pensée philosophique moderne.

Je termine ce chapitre en citant Baruch Spinoza dans la Lettre LXXIII adressée à Henri Oldenburg: « (…) J’affirme, dis-je, avec Paul [Saint-Paul] et peut-être avec tous les philosophes anciens, bien que d’une autre façon, que toutes choses sont et se meuvent en Dieu ; j’ose même ajouter que telle fut la pensée des anciens Hébreux (…) »

Se rapprocher des sagesses les plus anciennes et être très en avance sur son  temps : telle était déjà l’idée sous-jacente…

 

L’apparition de la vie sur terre

Dans l’idée selon laquelle le spirituel et le matériel ne peuvent être séparés, pour quelle raison la vie est-elle apparue sur terre ? Ma conviction est qu’elle est apparue pour mettre de l’ordre dans le cosmos. En l’occurrence, l’étymologie de cosmos, c’est « ordre », précisément. En termes thermodynamiques, la vie est apparue pour réfréner l’expansion entropique de l’Univers. L’entropie, pour faire simple, c’est le niveau de désordre de l’Univers.

De quelle manière ? En organisant la transformation de la matière en un schéma, un plan ou un programme établi à l’avance. Ce programme est contenu dans une chaîne moléculaire appelée acide nucléique, Acide Ribonucléique (ARN) ou Acide Désoxyribonucléique (ADN).

Les ARN sont pour certains d’entre eux simple-brin et contiennent plusieurs milliers de nucléotides. Les ADN sont toujours double-brin et  contiennent plusieurs millions, voire plusieurs milliards de nucléotides. Donc, les ARN sont plus rudimentaires que les ADN. En toute logique, l’on peut aisément émettre l’hypothèse qu’ils sont plus anciens dans l’histoire géologique de la Terre. Pour mémoire, le matériel génétique d’un être humain est constitué d’ADN, à l’instar de celui des tous les êtres vivants au sens strict du terme, végétaux ou animaux.

Les virus sont des témoins encore présents de l’apparition de la vie sur terre, il y a de cela plus de 3,5 milliards d’années. Et de la transition encore mystérieuse entre le strictement minéral et le végétal. Simples analogues ou ancêtres potentiels des protozoaires – à savoir, les toutes premières formes de vie cellulaire ? Là non plus, le débat n’est pas tranché, comme le souligne  Gladys Kostyrka  dans sa thèse  « La place des virus dans le monde vivant », Gladys Kostyrka, Philosophie, Université Panthéon Sorbonne, Paris I, 2018 (Français. NNT : 2018PA01H225), p. 182.

Le débat sur la nature vivante ou non des virus n’est pas tranché non plus. Le virus n’a pas la capacité d’autoreproduction qui est un des attributs du vivant. Pour fonctionner et se reproduire, il a besoin d’une cellule-hôte. Pour autant, il a cette capacité d’adaptation de son matériel génétique à l’aide de mutations. Ce qui tendrait à le classer parmi les êtres animés.

Le matériel génétique d’un virus est son acide nucléique; ARN ou ADN, c’est selon. Le coronavirus qui affecte le monde entier en ce moment est un virus à ARN. Ce matériel génétique est recouvert d’une couche protectrice protéinée, la capside et d’une enveloppe externe lipo-protéinée. L’enveloppe externe du coronavirus présente des protubérances qui font penser à une couronne solaire. D’où son nom. Comme ce n’est pas tout à fait un être vivant, l’on ne peut pas « tuer » un virus à proprement parler. Notamment, il est impossible de le « tuer » avec un bactéricide. Il est également impossible de le faire entrer en compétition avec un antibiotique, comme pour les bactéries ou les bacilles. Ce que l’on peut faire en revanche, c’est tenter de le désintégrer.

Le savon de l’eau savonneuse porte atteinte à l’enveloppe lipo-protéinée. La mousse du savon coupe la graisse contenue dans l’enveloppe. L’alcool du gel hydro-alcoolique portera atteinte à cette enveloppe, pour peu que son degré dépasse 65 °. La chaleur également, mais au-delà  d’une soixantaine de degrés Celsius. Autrement dit, la fièvre dont les malades du coronavirus sont atteints est largement insuffisante pour venir à bout du virus. De même, tout mélange à base de chlore portera atteinte à la capside cette fois, à condition que le titre de chlore soit suffisamment élevé.

Les molécules du virus sont très stables en milieu froid ouvert ou fermé comme les airs conditionnés des climatisations domestiques ou automobiles. Ces molécules ont également besoin d’humidité et surtout d’obscurité pour se maintenir stables.  Autrement dit, dans les ambiances sèches chaudes et avec beaucoup de lumière, les virus se dégradent très rapidement.

En outre, la lumière ultra-violette désintègre la protéine du virus, si ce dernier y est exposé.

Dès lors, il ne serait pas étonnant que le SARS-Cov-2, autrement appelé Covid-19, soit apparu chez la chauve-souris, qui habite des grottes, pour la plupart d’entre-elles et qui vit la nuit. Ce virus s’appelle SARS (ou SRAS), comme le SARS-Cov-1, apparu en 2002-2003 dans les pays du sud-est asiatique, déjà. SRAS, pour Syndrome Respiratoire Aigu Sévère.  Et Covid-19 comme COrona VIrus Disease – 2019.

Je dis : « il ne serait », parce qu’après tout, l’apparition du coronavirus sur un marché aux animaux de Wuhan, en Chine au mois de novembre dernier est l’information qui est véhiculée à présent. Mais est-ce source sûre ? On entrevoit bien cette logique propre à la plupart des maladies émergentes, néanmoins. Réduction des espaces de vie des animaux, réductions des populations animales et par voie de conséquence, mutation des maladies infectieuses pour s’attaquer à  notre espèce en pleine expansion, quant à elle.

 

L’Histoire des épidémies

Comme l’affirme l’anthropologue Frédéric Keck (Télérama n°3663, p. 6), « La grande peste de 1350 [appelée peste noire], qui a tué un tiers des européens, s’explique par le fait qu’il y avait d’importants mouvement de personnes et de marchandises durant les foires à la fin du Moyen Âge. »

Frédéric Beck insiste également sur l’épidémie de variole qui a décimé la population de Mexico en 1520, conséquence de la « première mondialisation », selon lui.

L’on peut en dire autant lors de la pandémie de grippe espagnole entre 1818 et 1919, encore liée à des mouvements de populations. Force est de le constater, en lisant « La mondialisation géostratégique » de Bernard Amnon Nadoulek et Elisabeth Houy, (Activités), la mondialisation ne date pas d’hier ! Le début du XIIIème siècle coïncide avec l’expansion mongole et les croisades. Déjà, des croisements de populations. Le XVIème siècle et le XIXème siècle sont les deux grandes étapes de la mondialisation colonialiste, sur le continent américain, puis dans le reste du monde. Encore des croisements de population.

Mais disons-le tout net : un prétendu nettoyage de la terre qui interviendrait tous les 100 ans ne résiste pas à l’analyse. Les épidémies sont malheureusement beaucoup plus fréquentes. La date de 2020 n’est peut-être que le fruit d’une coïncidence. En revanche, je veux retenir ici le facteur aggravant des mouvements de populations dans la propagation des maladies. Ce à quoi nous avons assisté lors de la propagation du coronavirus ces dernier mois.

Force est de le constater, les mouvements de populations ont pris une ampleur inédite, en ce début de XXIème siècle : voulus, dès lors qu’il s’agit de voyages touristiques ou de migrations choisies, ou imposés, dès lors que la misère, la dictature ou la guerre vous chassent de chez vous. Outre les aspects dramatiques de ces mouvements de population (arrachement à la terre ancestrale, naufrages en mer, mauvais traitements, etc.), je souhaite retenir ici les effets positifs : découvertes d’autres cultures, d’autres types de constructions de personnalités. Cela permet de relativiser notre culture et notre civilisation. Et c’est bien ainsi.

En tout état de cause, si tel est le cas, pourquoi un virus qui se cantonnait jusque-là aux chauves-souris, est parvenu à muter pour s’adapter aux pangolins, puis à muter encore pour s’adapter à l’être humain ? Si tel est le cas, car c’est juste une hypothèse parmi d’autres… Même s’il est peut-être un peu tôt pour procéder à une analyse complète de ce phénomène, les animaux voient leurs biotopes s’amenuiser, leurs territoires se réduire, comme l’analyse Gilles Salvat, docteur vétérinaire et directeur général de la recherche à l’ANSES1 : «  C’est un grand pays qui a pas mal bouleversé ses écosystèmes avec culture et élevages gigantesques ». (Source France-Info) La biodiversité est elle-même menacée et une sixième vague d’extinction massive est peut-être en train de se produire sous nos yeux. Pour situer, la cinquième vague d’extinction massive est la plus célèbre ; c’est celle de la disparition des dinosaures, il y a 65 millions d’années.

Contrairement à ce que l’air du temps nous fait accroire, un virus n’a pas d’intention belliqueuse et ne cherche qu’à se développer. Dans un  contexte de réductions des biotopes et de confusion des espaces entre animaux domestiques et animaux sauvages, il n’est pas étonnant qu’un virus soit parvenu à coloniser des espèces voisines les unes des autres. Même si, l’on est d’accord, il est impossible de prêter une quelconque intention à un être pas tout à fait vivant de 40 nanomètres (4. 10-8 m) !

En tout état de cause, c’est bien l’expansion humaine et son corollaire, l’expansion capitaliste qui sont en cause, à présent. Comme je l’ai développé dans un article précédent, le capitalisme mène une double prédation : prédation sociale avec l’épuisement des ressources appelées abusivement « humaines » et « prédation environnementale » avec l’épuisement des ressources de la planète.

A cet égard, je voudrais donner deux exemples, le jour du dépassement et quelques consommations moyennes nationales. Le jour du dépassement correspond à la date de l’année, calculée par l’ONG américaine Global Footprint Network,  à partir de laquelle l’humanité a consommé l’ensemble des ressources que la planète est en mesure de régénérer en un an. Ce jour était calé au 7 décembre en 1990. Il est intervenu le 29 juillet l’an dernier, en 2019. Et une aggravation très nette s’est produite à la fin des années 2000.

Quant aux consommations moyennes nationales, si tout le monde devait consommer comme un Chinois, il faudrait une planète afin de subvenir à l’ensemble de l’humanité. Si tout le monde consommait comme un Français, il faudrait 2,5 planètes pour subvenir à nos besoins. Si tout le monde consommait comme un Américain, cette fois, il faudrait cinq planètes !

Et tout cela, dans un contexte de relative indifférence générale vis-à-vis de l’arrogance des puissants capitalistes et de leurs thuriféraires. Dans son ouvrage « Les combats du clair-obscur », (Un point c’est tout !, 2019, p. 17), Benjamin Amar, syndicaliste, dénonce le « délire » de Francis Fukuyama et Alexandre Kojève « sur « la fin de l’histoire » autour du mariage sacré et béni de la démocratie libérale et du capitalisme libéral » à la suite de la chute du mur de Berlin en novembre 1989 et de la disparition du bloc communiste en 1991. Plus loin dans cet ouvrage (p.135), Benjamin Amar évoque Warren Buffet, l’homme d’affaire et investisseur américain, qui « a ainsi déclaré il y quelques années : « la lutte des classes existe et c’est la mienne, celle des riches qui est en train de la gagner. » Affligeant.

A ce sujet, pourquoi le virus est-il parti de Chine, pays a priori communiste et qui consomme a priori raisonnablement ? La Chine entretient l’illusion du communisme et de la consommation raisonnable. Le communisme chinois n’est qu’une mascarade. La Chine est en réalité un pays tout aussi capitaliste que les pays occidentaux. Ce capitalisme moins affiché y est aussi plus débridé. Notamment, les normes environnementales y sont moins sévères qu’en occident. Qui a visité Pékin ces dernières années en est témoin, le fond du ciel est toujours laiteux… En outre, les prises de conscience écologiques et de décroissance, encore balbutiantes dans nos contrées occidentales, n’ont absolument pas droit de cité dans un pays comme la Chine. Jusqu’à cette crise sanitaire majeure, seul comptait pour les autorités chinoises un taux de croissance à deux chiffres. Raison de plus pour un capitalisme sans limites. Par ailleurs, la consommation moyenne chinoise masque une réalité beaucoup moins séduisante : des populations entières vivent dans la misère la plus noire.

La Chine est paradoxalement le parangon d’un système capitaliste débridé et doublement prédateur.

Et c’est d’autant plus surprenant que la Chine est le berceau d’une sagesse multimillénaire. Les sagesses de soins, de préservation et de combat existaient dans toutes les civilisations de la planète, il y a plusieurs millénaires. Seules des civilisations comme la Chine et l’Inde qui ont connu des ruptures civilisationnelles tardives ont réussi à maintenir dans leurs cultures leurs sagesses ancestrales. Les sagesses égyptiennes, précolombiennes ou druidiques ont connu des ruptures civilisationnelles à la fois trop anciennes et trop brutales pour être aussi bien préservées. Et encore, en Chine, ce fut au prix de rudes batailles. La Révolution Culturelle de 1949 voyait ces sagesses ancestrales et spirituelles comme des superstitions totalement incompatibles avec le matérialisme marxiste qui animait ses dirigeants. C’est paradoxalement en Europe et aux Etats-Unis que certains maîtres chinois sont venus se réfugier.

Quant à l’Europe, justement, l’on peut se réjouir qu’un philosophe hollandais d’origine juive ait fait preuve d’une bravoure inouïe pour s’opposer à la civilisation judéo-chrétienne qui l’avait porté, pour mieux se rapprocher de la sagesse originelle de cette dernière, justement.

 

L’impréparation de nos gouvernants et des autorités sanitaires

A cela, je voudrais ajouter l’impréparation de nos gouvernants et des autorités sanitaires. Cela fait des années que les personnels des hôpitaux crient leur manque de moyens. Pour autant, des milliers de lits ont été supprimés ces dernières années, sans parler des suppressions d’effectifs afférentes. Pire, il est même question de supprimer des postes de personnels hospitaliers dans le Grand-Est, une fois la crise sanitaire passée.

A cela s’ajoute, le manque de matériel : le manque de masques, de blouses, de gel hydro-alcoolique, de respirateurs. C’est le tissu industriel français que nos dirigeants ont laissé fondre ces dernières années avec les conséquences que l’on sait. Trois exemples : les masques, les respirateurs et les tests.

Une entreprise bretonne fabriquait des masques sur le territoire français. A la suite de diverses cessions, cette entreprise rentable et bénéficiaire a mis la clé sous la porte en 2018. Par ailleurs, à l’initiative de Roselyne Bachelot, alors ministre de la Santé, le stock stratégique de masques de l’Etat a été porté à un milliard de masques en 2010. A la suite de décisions incompréhensibles de Marisol Touraine et de Jérôme Salomon, Directeur Général de la Santé, ce stock n’était plus que de 117 millions de masques en 2018. Il convient de préciser que Jérôme Salomon est toujours en exercice à ce jour.

Quant aux respirateurs, en voyant ce qui se passait en Chine depuis le mois de décembre 2019, nombre d’entreprises du secteur industriel auraient pu anticiper et mettre en œuvre des coopérations afin de concevoir et de construire des respirateurs. C’est précisément ce qui se produit à présent, justement. Mais c’est bien tard. Qui plus est, sous une impulsion gouvernementale bien ciblée, d’autres entreprises auraient pu réorienter leur production pour participer à cet effort. L’impulsion n’a pas eu lieu. Pas suffisamment et pas suffisamment tôt, en tous les cas.

Quant aux tests, on peut s’étonner que l’Allemagne et la Corée du Sud aient pu mettre en œuvre une politique de tests massifs et que la France en soit toujours incapable.

Par ailleurs, je voudrais aussi souligner l’impréparation de nos gouvernants et de notre monde médical conventionnel, qui ne travaille pas assez sur la prévention et sur le renforcement du système immunitaire de chacun. Pourtant des solutions existent : la nutrition, avec les vitamines C et D, les omégas 3, la limitation du stress oxydatif avec la pratique sportive ou autre, sans parler des médecines alternatives qui quant à elles, travaillent déjà beaucoup sur la prévention. Le renforcement de ce système immunitaire ne passe certainement pas par la prescription de médicaments de type allopathique, qui agissent plutôt comme des béquilles.

En outre, je voudrais dénoncer l’impréparation des laboratoires pharmaceutiques. Certes beaucoup d’efforts ont été consentis dans le domaine de la recherche contre le SIDA. Mais concernant la prophylaxie curative contre les autres virus, y compris celui d’une simple rhinite, rien ou presque n’a été fait ces dernières années. A titre d’exemple, si vous n’avez pas été vacciné contre la grippe et que vous êtes atteints par cette maladie, vous devez attendre la guérison sans réel moyen pour la hâter.

Pour finir, évoquons ici la déclaration hâtive d’Agnès Buzyn le 24 janvier, alors qu’elle était encore ministre de la Santé. Cela fait frémir. Elle déclarait sans ambages à ce moment que le risque d’importation de la maladie depuis Wuhan était minime (Source France-Info).

A ces divers titres, la seule solution était le confinement et ce, afin de ne pas engorger les services de réanimation dans les hôpitaux. Comme le souligne Frédéric Keck dans l’article cité plus haut, cette politique du confinement donne raison au modèle chinois « à partir d’un dosage inédit entre capitalisme, autoritarisme et anticipation des catastrophes écologiques ». A titre personnel, je n’aurai jamais imaginé qu’en temps de paix, les populations d’une bonne moitié de la planète accepteraient sans trop rechigner de voir leurs allers et venues strictement contrôlés. C’est pourtant ce qui se produit en ce moment.

 

Les populations exposées et les autres

L’on aurait pu penser qu’au-delà du consentement quasi-général à respecter le confinement, cette crise sanitaire donnerait lieu à une concorde sociale sur les sujets brûlants du moment. Il n’en est rien. L’actualité syndicale que je vis dans mon activité de militant est faite de salariés qui vont travailler la peur au ventre, d’employeurs qui rechignent à mettre en place les dispositifs AMELI pour garde d’enfant, pour les salariés qui y sont éligibles et de salariés qui  continuent d’être licenciés comme si de rien n’était.

Je voudrais souligner que les populations dites «  en première ligne », selon un vocabulaire guerrier et bien maladroit en la circonstance, sont principalement des femmes : médecins, infirmières, aides-soignantes, caissières de supermarché, aides à domicile. On le sait, tous ces métiers sont très féminisés. Je profite de cet article pour leur tirer mon chapeau et les remercier pour leur engagement.

Pour les autres, le Dr Raffaele MORELLI, psychiatre et psychothérapeute italien, déclare dans un article récent :

« Dans une société fondée sur la productivité et la consommation, dans laquelle nous courons tous 14 heures par jour après on ne sait pas bien quoi, sans samedi ni dimanche, sans plus de pause dans le calendrier, tout à coup, le «stop» arrive. »

Et si ce n’était l’aspect dramatique de cette crise sanitaire, aspect dramatique qui nous traumatise tous, ce «  stop » est salutaire et il arrive à point nommé. Pour deux raisons :   souffler un peu dans cette vie trépidante que nous menons et mieux respirer parce que la qualité de l’air s’améliore. Le Dr MORELLI écrit encore : « L’air s’améliore ; on utilise un masque, mais on respire… ». C’est également le cas en Chine, la baisse de l’activité économique a eu des répercussions positives immédiates sur la qualité de l’air dans les mégapoles chinoises.

Je voudrais également évoquer ici le changement de condition humaine qui nous frappe tous de manière assez brutale et assez inattendue. Même si ce n’est pas comparable, ce confinement nous fait penser au triste sort des prisonniers dans leurs cellules, privés de parloir depuis des semaines, au confinement des retraités dans les EHPAD, également privés de visites, jusqu’à la mise en place de parloirs, toute récente. Voilà des personnes confinées en temps normal dans l’indifférence générale. Gageons que notre sensibilité à l’égard de ces personnes-là sera plus forte après le confinement. A tout le moins, c’est l’espoir que je formule ici.

L’après-confinement ne nous fera pas revenir au temps d’avant. Déjà, l’on peut supposer que pendant une période plus ou moins longue, nous allons laisser derrière nous les accolades, les mains serrées, les embrassades, bref une bonne partie de ce qui fait le sel d’une relation sociale épanouie. Les téléréunions et les « télé-apéros » sont une trouvaille, c’est vrai. Et à ce titre, ces nouvelles pratiques perdureront et se développeront, j’en suis convaincu. Cela ne remplace pas une réunion présentielle pour autant.

 

Pour conclure

Pour conclure, je reprends à mon compte les propos du Dr MORELLI : « Je crois que le cosmos a sa façon de rééquilibrer les choses et ses lois, quand celles-ci viennent à être trop bouleversées. »

Selon, moi c’est bien la pression exercée par l’expansion humaine qui a porté atteinte à la biodiversité et qui induit l’émergence de nouvelles maladies. Les mêmes causes produisant les mêmes effets, nous sommes loin d’être à l’abri d’une nouvelle maladie émergente dans les prochaines années. Gageons que cette fois, l’anticipation aura bien lieu en termes de matériel, de moyens hospitaliers, d’effectifs de personnel hospitalier et autres. Je laisse mon aimable lecteur en juger.

En tous les cas et dans un tel contexte, je suis surpris que dans certaines entreprises, l’on demande aux salariés de contribuer à un « effort national » en leur imposant des jours de congés par exemple, dans l’esprit de l’Ordonnance n° 2020-323 du 25 mars 2020 portant mesures d’urgence en matière de congés payés, de durée du travail et de jours de repos. Le confinement a été évité dans d’autres pays et moyennant plus de préparation, il aurait pu être évité ici en France. Pour ma part, je milite pour une indemnisation intégrale des salariés avec un chômage partiel rémunéré à 100 %.

Le fait est,  de par le passé, toutes les épidémies ont été des occasions pour les pouvoirs en place de rogner sur nos libertés. Ceci au nom de plus de sécurité. Celle-ci ne déroge pas à la règle. En matière de droit du travail, c’est un temps de travail hebdomadaire maximal porté à 60 heures au lieu de 48, un repos quotidien réduit à 9 heures au lieu de  11 heures, la décision unilatérale des employeurs d’imposer des congés et/ou des RTT à leurs salariés, pour ne citer que ces exemples. Et en matière de surveillance généralisée, le gouvernement français réfléchit à des systèmes de pistage qui font penser à une espèce de « Big brother », qui deviendrait réalité, comme c’est déjà le cas en Chine.

Et le Dr MORELLI poursuit dans son article : « Dans un climat social où penser à soi est devenu la règle, le virus nous envoie un message clair : la seule manière de nous en sortir, c’est la réciprocité, le sens de l’appartenance, la communauté, se sentir faire partie de quelque chose de plus grand, dont il faut prendre soin, et qui peut prendre soin de nous. » 

C’est  ainsi que la pensée moderne rejoint la pensée spinozienne et les sagesses plus anciennes. Nous ne faisons qu’un avec la Nature et nous sommes interdépendants. La Nature n’est pas seulement bienfaitrice et vulnérable. Elle peut également être une menace. Et outre la tragédie que nous sommes en train de vivre, cette menace vient en quelque sorte du fond des âges, comme pour nous imposer le respect.

 

 

Sources :

1 : ANSES : Agence nationale de sécurité sanitaire, de l’alimentation, de l’environnement, et du travail

Le miracle Spinoza, Frédéric Lenoir, Fayard, 2017.

Ethique, Baruch Spinoza, Première partie et fragments, Classiques Larousse.

« La place des virus dans le monde vivant », Gladys Kostyrka, Philosophie, Université Panthéon Sorbonne, Paris I, 2018 (Français. NNT : 2018PA01H225), p. 182.

« La mondialisation géostratégique » de Bernard Amnon Nadoulek et Elisabeth Houy, Activités 

Télérama n°3663, du 28 mars au 3 avril 2020,  Interview de Fréderic Keck.

Global Footprint Network: https://www.globalfootprintnetwork.org

https://vincennes-saint-mande.catholique.fr; Raffaele MORELLI, Coronavirus

https://mobile.francetvinfo.fr/sante/maladie/coronavirus/covid-19-enquete-sur-le-p4-de-wuhan-ce-laboratoire-en-partie-finance-par-la-france-ou-a-ete-identifie-le-virus_3920783.amp

Big brother, personnage de 1984, George Orwell, Gallimard, 1950

Les combats du clair-obscur, Réflexions sur les modalités de la lutte, Benjamin Amar, Un point c’est tout !, 2019,

Ordonnance n° 2020-323 du 25 mars 2020 portant mesures d’urgence en matière de congés payés, de durée du travail et de jours de repos.

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